serré, ni thé s'il vous plait
Je ne fais AUCUN sport, je déteste ça; le seul que je me sois jamais autorisé (avec un bonheur certain d'ailleurs, ça n'est pas tous les jours qu'on trouve LE sport qui vous convient par-fai-te-ment) est celui pour lequel nous sommes tous équipés et qui concerne la survie de l'espèce (notez bien que si l'espèce compte un chouia sur moi pour assurer sa continuité, il y a de grosses possibilités pour qu'elle ne passe pas l'hiver). Mais quand même, j'arrive à un âge où, si je veux éviter qu'on me greffe des roulettes à la place des orteils, j'ai tout intérêt à tenter un minimum, histoire de ne pas être, dans un avenir proche, un festival de cannes à moi toute seule.
Le Tai-Chi-Chuan (méthode Chen, la plus vieille, c'est normal), c'est surprenant. Quand on regarde, dans les parcs, à la télévision, un groupe de Tai-Chi-Chuanistes (attention, ceci est un néologisme, faites super gaffe à l'usage que vous en faites, c'est périlleux), on a l'impression que c'est moins difficile que de passer l'éponge sur une nappe cirée pour enlever du gras; en plus, c'est assez élégant, silencieux et vaguement mystique (ce qui n'est pas le cas de l'exemple pré-cité). Donc, je me suis dit que ben pourquoi pas après tout j'étais fan de David Caradine dans la série "Kung-Fu" et ça peut servir à gifler quelqu'un avec classe (par contre, ça ne favorise pas la syntaxe, comme vous pouvez le constater). Alors je me suis inscrite à mon premier cours; attention, je n'ai pas pris un cours de Tai-Chi pour BoBos en mal de quête intérieure, avec massage de l'estomac à la pierre polie (encore heureux qu'elle soit polie; manquerait plus qu'elle vous insulte) et diffusion d'huiles essentielles sur fond de musique Sino-Celtisante, j'ai pris un pur et dur dans un gymnase qui sent la sueur et le lutteur de pancrace. Je ne sais pas pourquoi, mais j'éprouve une méfiance extrème à l'égard de ces salles de sport qui ressemblent à un salon d'esthétique Helena Rubinstein, et qui vous demande de payer la dîme et la gabelle pour avoir l'insigne honneur de fouler d'un orteil bourgeois des tapis de fakir Hilton Mac Connico (fais par de VRAIS artisans avec des VRAIES fibres gorgées de senteurs apaisantes certifiées commerce équitable Max Havelaar).
Dans un vrai gymnase, tout le monde s'habille avec les moyens du bord et se regarde droit dans les yeux, pas sur l'étiquette du pantalon ou des chaussures (je signale à ce sujet que Repetto n'est pas le créateur de Pinocchio). Enfin...dans le cadre d'un cours de Tai-Chi, on ne se regarde pas dans les yeux, on tente de suivre les mouvements dessinés dans les airs par un Maitre particulièrement souple qui a dû s'entraîner 50 ans avec l'homme élastique. Moi, je suis plutôt du genre à m'être entrainée avec une poutrelle en ciment, je plie mais ne romps pas romps mais ne plie pas. Au bout d'un moment, j'ai ressenti une horrible douleur dans le genou (qui, je le rappelle, maintient sa cohésion grâce à un mécano 1962), pendant l'éxécution d'un mouvement baptisé "j'ouvre la mer et je repousse la montagne (je vous laisse imaginer les arabesques, je fais ça dans un style péplum assez intéressant.)"; avant de me rendre compte que j'éxécutais les gestes à l'envers. ça a bien fait rigoler le Maître (et c'est tant mieux; j'ai toujours peur, dans ce genre de discipline, d'avoir affaire à un cruel qui va me retourner une mornifle médiévale parce que je ne suis pas douée). Il s'est placé derrière moi, s'est calqué sur l'ensemble de mes particules, et je me suis retrouvée à ouvrir la mer et pousser la montagne à l'endroit (ce qui nous évite une catastrophe géologique).
C'est drôlement chouette.
Et c'est une des premières fois où je me suis sentie gracieuse.
Alors vous m'excuserez, mais là, je vais aller faire "le bateleur sur le lac" et "le drap de bain épouse la plage".