Massacre dans le train fantômE
C'est le titre d'un vieux nanard d'horreur qui fait terriblement peur (en tout cas, moi, j'avais eu super peur, il y avait une espèce de monstre avec des dents pointues et des yeux tout blanc brrrrrrr tiens tout d'un coup ça me rappelle quelqu'un d'ailleurs mais bref), mais c'est aussi le titre d'une après-midi d'automne un jour de fête foraine (remarquez, il y a plein d'autres titres de film qui conviennent très bien; "full metal jacket", "un jour sans fin", "rabbi jacob", "le prisonnier"...).
Il y a très longtemps, dans les limbes infinies du sablier cosmique, j'ai proposé à mon jeune élève de l'emmener paître une barbapapa au luna park du coin; c'était pour avoir la paix et pour regarder tranquillement un reportage sur le tressage des sacs en poils de babouin dans l'archipel de tûhû-pûrû. J'ai instantanément oublié ma promesse, car je suis vile et manipulatrice, et que je ne mange pas suffisamment de poisson donc j'oublie; c'était sans compter sur l'effarante opiniâtreté des adolescents (qui, eux, ont une alimentation saine et une mémoire de globicéphale. S'ils étaient aussi pugnaces avec leurs cours d'histoire-géo, nous aurions moins de problèmes).
Je ne savais pas que les ingénieurs du CNRS, à temps perdu, construisaient des manèges d'après les plans des super-centrifugeuses de la NASA, celles qu'on utilise pour faire des expériences sur les protons. Et c'est vrai: après un tour de "super-trooper", vous avez le cerveau comme un quark, et vous faites l'expérience du trou noir. Intéressant comme tout, et très instructif. On vous met un harnais de sécurité gros comme un exosquelette, un bâillon phonique, une poubelle sur la tête et des gants en fonte, et on vous propulse à 1000 km/heure dans tous les sens au son des flonflons(n'oubliez pas qu'une centrifugeuse sert à séparer le jus de la pulpe). Je ne suis pas étonnée que la recherche spatiale prévoie des colonies sur Mars, l'entraînement occulte à lieu dans les fêtes foraines.
Les genoux tout plein de mousse, vous descendez en biais de la nacelle, vous faites quelques pas maladroits en direction du vendeur de billet avec la ferme intention de le gifler à toute volée, mais vous êtes incapable de produire le moindre son (parce que si vous ouvrez la bouche, ce n'est pas un son qui va sortir, mais quelque chose de beaucoup plus concret). L'adolescent, lui, est tout émoustillé et vous tire par la manche avec insistance vers le manège suivant: "the blazing rocket" (enfin, ça ne s'appelle pas comme ça, mais ça donne une idée assez précise de la torture qui s'annonce). C'est une attraction qui se pratique à deux (c'est pour ça que ça coûte un tambour); on se place dans une bulle de plexiglass format sarcophage, re-exosquelette, baillon phonique et gants de fonte, mais la poubelle est remplacée par un casque à boudins qui vous applatit le cheveux et vous compresse les tempes) et ziiiiiiiiiiiii, vous montez en 2 dixièmes à 4000 mètres, le sarcophage pivote et vous vous retrouvez la tête en bas, et une force 3G vous précipite vers le sol et vous stoppe à 3cm du bitume. Trois arrêts cardiaques plus tard, vous mangez votre pomme d'amour avec les oreilles et vous vous mettez de la bave partout sur le manteau, ce qui n'est pas très raffiné.
Vous vous souvenez du train fantôme et de la troïka? Ce que j'aimais le plus, à l'époque, c'était la galerie des glaces. C'était chouette de se voir avec les plus petites jambes du monde et la tête comme une pastèque. Remarquez, encore maintenant, je vois ça tous les matins dans ma salle de bain; et c'est gratuit.
Je ne vois pas de quoi je me plaints.