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Le Troisième Wagon
Le Troisième Wagon
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11 mars 2007

A l'ouest, rien de nouveau

trapper

Vous connaissez mon goût pour la montagne, la neige, le froid et les sapins. Entendons nous bien, je ne crache pas dans la soupe (aux pois avec du pain dedans et un petit filet de vin rouge, comme de par chez nous bon dieu tout d'bon), mais je pense que la haute-savoie gagnerait à être légèrement décalée au sud, avec juste ce qu'il faut de petits palmiers pour ne pas faire trop tappe-à-l'oeil, on pourrait aussi abaisser un rien les montagnes afin que tout le monde puisse grimper dessus. Et puis comme ça, on pourrait voir l'horizon, on se sentirait plus large.

Je suis arrivée au lieu de rendez-vous avec 15 petites minutes d'avance, il faisait bon froid dans le village, et la matinée n'avait pas ménagé sa peine pour ressembler à une carte postale des Alpes, avec la neige, le gel, le vent et tout et tout (bon; le vent, c'est vrai qu'on ne le sent pas trop dans les cartes postales. Mais regardez attentivement les pavés, vous verrez que certains d'entre eux sont décollés. Et s'il y a des personnages sur la carte, observez leurs yeux, ils sont comme des meurtrières, en forme de fentes pour ne pas laisser passer l'air). C'est ça qui est chouette ici; tu as 20 000 pisteurs qui braillent comme des putois à la télé à cause du réchauffement de la planète, et toi, dans les montagnes, tu ne sens plus tes mains quand tu te grattes le nez, parce qu'elles sont tombées à cause du froid. Nous autres natifs avons cette particularité que notre corps gonfle instantanément pour se protéger. Moi, c'est 32  kilos de graisse en 3 minutes. Mais voilà qu'une fois encore je m'égare, car là n'était pas mon propos. Mon hôte est arrivé à l'heure dite, avec son physique de gaulois moustachu et son inénarrable accent Savoyard (je peux me permettre une légère moquerie, j'ai exactement le même, ce qui me valut un franc succès à la fac au cours de rhétorique de monsieur Perrier. Et quand je parle d'amour, une bouche impassible secouée d'imperceptibles tremblements révèle chez mon interlocuteur une hilarité intérieure réprimée à grand peine).
Parlons d'amour justement: les cabanes dans les arbres sont parfaites pour une escapade avec votre amoureux (se). Si la sauce tourne un peu aigre entre vous, vous avez toutes les chances de perdre votre partenaire dans la montée, qui s'effectue sur un scooter des neiges. Vous frôlerez pèle-mêle le précipice et l'arrêt cardiaque, votre estomac va devenir petit comme une lentille, et vous allez prononcer à voix haute tout un tas de paroles incompréhensibles que votre conducteur n'entendra pas, à cause du bruit de V12 qui vous scie le cerveau et fait tomber de gros paquets de neige du haut des sapins.

Mettez de grosses chaussures de montagne, pas de petites bottes en cuir. Les petites bottes en cuir, c'est ravissant sur un trottoir mouillé, mais efficace comme une feuille de papier buvard dans 1 mètre de neige; une fois que vous vous êtes extirpée du tas dans lequel vous êtes clouée depuis la descente du scooter (à grand renfort de jurons et de gestes disgracieux qui vous ruinent la réputation), essuyez bien les semelles de vos bottes, pour ne pas glisser sur les passerelles humides de 50 cm de large qui relient les cabanes entre elles. Ces passerelles sont situées à 9 mètres de hauteur. Et si vous souhaitez dégommer une bouteille de rosé sur la terrasse de votre cabane, faites le une fois que vous vous êtes bien installé et que vous êtes certain de ne pas devoir refranchir les ponts de singe (dommage que le propriétaire n'ait pas mis des sandows à la place des cables de soutien en acier, ç'aurait été encore plus dangereux).

Vous n'avez pas à craindre les bêtes sauvages. A cette hauteur, les loups déclarent forfait et se contentent de hurler à la mort au pied de votre arbre jusqu'à l'aube. Par contre, les aigles peuvent venir vous gober les yeux.

N'acceptez jamais le café offert par le propriétaire. Déjà, vous ne savez pas d'où il vient et vos papilles gustatives sont gelées, et votre hôte va en compter 3 louches par personne. A ce stade de froid, vous pourriez tout aussi bien boire du jus de lisier, vous ne feriez pas la différence. Votre estomac, par contre, va très vite se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond. Et comme vous avez 2O mètres de passerelles à franchir pour aller jusqu'aux toilettes, autant mettre tous les avantages de votre côté. Vous n'êtes pas à la finale de "jeux sans frontières", il s'agit de votre vie.

Prenez des livres, des grilles de sudoku, des feuilles de papier pour inventer des origami et faire des avions. Une fois coincé au sommet de votre mirador, vous n'aurez plus que ça à faire. Ne vous ruez pas sur les victuailles pour tromper votre ennui, regardez sur la photo ci-dessus ce qui m'est arrivé en une seule après-midi; le climat en montagne peut avoir des effets inattendus sur votre corps, nous ne réagissons pas tous de la même manière. Si toutefois vous ne pouvez pas vous en empêcher, allez demander un café au patron toutes les 30 minutes. Vous vous allègerez dans l'instant.

Vous allez entendre des grincements, ce ne sont ni des ronflements, ni un gémissement articulaire. C'est le vent violent qui menace de pulvériser votre cabanon. Vous allez ressentir une houle concomitante, prenez de la dramamine.

Si vous suivez bien toutes ces consignes de base (celà dit, vous faîtes bien comme vous voulez, mais n'allez pas raconter partout que vous n'étiez pas prévenu), vous pourrez profiter d'un merveilleux moment. Et je ne rigole pas, c'est d'une telle beauté que vous n'aurez plus envie de repartir (de toute manière, vous ne pourrez pas; vous serez trop large et trop lourd pour utiliser les passerelles, il faudra faire venir un treuil de la vallée). J'ai d'ailleurs réservé un week-end, que je compte mettre à profit pour rédiger mon petit précis de survie en haute-savoie, faire un origami à l'effigie de George Clooney, et apprendre le langage des ours. Et c'est ICI.

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Commentaires
M
OK, sammy, vous gagnez. Encore que le Cantal en hiver...bon.<br /> Raymonde, je suis au regret de vous apprendre qu'il s'agit d'une bête morte. Notez bien, vu les poils, je préfère.
R
Une femme d'homme des bois est une femme comblée... voir l'appareillage du monsieur sur la photo plus haut...
S
C'est beau la vie au grand air. Mais je ne sais pas si je pourrai un jour profiter de ses merveilles. Je ne sais pas faire les origamis et je n'ai pas de bottes de neige. Serait-ce possible de transposer ce décor idyllique (pont de singe, chalet de bois et loups qui hurlent) dans un pays tout aussi sauvage mais moins enneigé ? Quelque chose comme le Cantal en hiver, ou Châtillon-sur-Seine toute l'année... C'est superbement désolé et les tochtones sont très typiques. Ils font de belles cartes postales.
M
appresentation, c'est super joli...
M
Et puis je vois que certains commentaires sont d'un raffiné...ça me laisse rêveuse
Le Troisième Wagon
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