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Le Troisième Wagon
Le Troisième Wagon
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16 mars 2007

c'est bien doux tout ça

souvenir                                 Depuis que je suis toute petite, ma mère me dit que je ressemble à mon grand-père. Je trouve ça plutôt chouette de ressembler à papy Jacquot, sauf pour la calvitie, les 1,90 mètres et les 120 kg. Je sais qu'elle parle du caractère, parce que j'ai exactement la même tête que mamie Margot.

Papy Jacquot et mamie Margot étaient des grands-parents de conte de fée, ceci explique celà. Je n'ai jamais entendu ma grand-mère dire du mal de qui que ce soit. Pour marquer sa désapprobation, elle se contentait de sourire (jamais je n'ai plus vu un sourire à ce point dessiné de tendresse. Il faisait pétiller ses beaux yeux gris), de pencher la tête sur le côté et de hausser les épaules en faisant :"hof, c'est pas bien la peine d'en parler". Elle était très très grosse, et, comme beaucoup de personnes âgées de cette époque, elle mettait à son poignet une toute petite montre en or qui lui faisait de petits boudins de chair autour du bracelet. Elle avait des reflets bleus dans ses courts cheveux bouclés, s'habillait avec des blouses à fleur qu'elle achetait sur le marché, et me donnait presque toujours une pièce de 5 francs lorsque je venais la voir (elle avait également un fascinant petit porte-monnaie en vieux cuir noir tout frippé, minuscule, qui fermait avec deux crochets comme 2 petits doigts croisés. ça fait beaucoup de petit, mais chez mamie, TOUT était petit, sauf le corps et le coeur). Issue de la campagne, elle cuisinait comme pas deux une multitude de plats à chaque repas, et rapportait tous les Dimanches un gros gâteau aux prâlines de son village natal. Parfois, nous étions partis en balade ce jour là; alors,  papy Jacquot et mamie Margot nous attendaient patiemment sur le parking. Dans ces cas là, ils n'enlevaient pas leur ceinture de sécurité.

Papy Jacquot avait le gag dans le sang. Il était champion des figures à l'élastique, il essayait d'en inventer chaque jour une nouvelle et les ratait presque invariablement. C'était très ludique de le regarder se claquer les doigts en disant "bon dieu bon dieu je n'arrive pas à faire la tour Eiffel". Il aurait du essayer des figures plus simples, mais il aimait les défis. Lorsqu'il s'ennuyait, il faisait des blagues pour passer le temps, ou pour nous faire rire. Il téléphonait à des inconnus et leurs disait: "bonjour, pourriez-vous me passer François?", et lorsque les gens demandaient qui était François, il répondait "c'est celui qui se torche avec les doigts" et raccrochait en gloussant. A chaque visite, il nous faisait le coup de l'assiette et du bouchon brûlé. Vous prenez une assiette, vous mettez de l'eau dedans, vous frottez un bouchon brûlé dessous, et après, vous la donnez à une personne, vous vous mettez en face avec une assiette toute bête et vous lui demandez de mimer tous vos gestes. C'est super. Avec un peu de dextérité, vous réussissez à faire ressembler la personne à un mousquetaire.  Pour aller payer ses impôts, il gardait une vieille paire d'espadrilles effilochées et un pantalon un peu rapiécé, exprès. ça faisait honte à mamie, mais lui, ça le faisait bien rigoler. Et nous avec. De tout temps, il portait une casquette de joueur de pétanque (à la belotte et aux boules, c'était un tueur. Personne n'a jamais réussi des carreaux comme les siens). Papy Jacquot était aussi le champion des réparations branquignolesques. Lorsqu'il a rejoint Mamie Margot là-haut (elle était partie devant pour préparer le terrain, papy Jacquot n'aimait pas tellement l'inconnu), nous nous sommes partagé les quelques petits meubles qui venaient de leur longue vie commune. Il n'y avait pas un meuble qui ne portât les traces de son passage effrayant dans le monde du bricolage. Une petite commode rafistolée avec des clous, une console dont les rayures étaient masquées par de la peinture à l'huile; j'ai hérité pour ma part d'une sellette dont la tablette tenait avec trois vieux morceaux de sparadrap. Et de plein de chouettes souvenirs. Il était vraiment du genre à faire tenir un rideau avec 3 agrafes et 2 jets de laque, la Cadonett', celle qu'utilisait mamie Margot pour faire tenir bien serrées ses bouclettes bleues.

Pourquoi je raconte ça? Parce que ma mère me dit que je ressemble à mon grand-père. Et je viens de comprendre pourquoi. J'ai voulu épousseter un store avec un plumeau tout léger, et il vient de me tomber sur le crâne.
Il tenait avec 2 punaises.

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Commentaires
M
;-)))
S
"mais chez mamie, TOUT était petit, sauf le corps et le coeur" C'est vraiment très beau Melle Bille. Et j'ai particulièrement apprécié la chute concommitante du récit et de la tringle rideau.
M
merci ma Zeld' ;-)
Z
cher pays de mon enfance . <br /> Bille t'es vraiment la petite fille de tes grands parents ...ceci explique cela ...tu racontes les histoires comme persone
M
vraiment, Marie, je suis toujours infiniment touchée et étonnée de ce genre de commentaire. Je reste persuadée que la tendresse, cachée, voilée, par pudeur ou par peur, reste le dernier rempart dans un monde qui se glisse dans trop d'incompréhension. C'est bien sûr toi que je remercie d'être sensible à la douceur d'un tel moment.<br /> Raymonde, si vous aviez vu papy Jacquot quand il faisait ça, c'était la magie absolue (moi, vous pensez bien, j'avais 10 ans, et 12, et 16, il le faisait souvent. Mais à chaque fois, ça fonctionnait, mon grand-père était merveilleux). J'ai eu fait plus souvent ce genre d'essai par le passé. Mais je sens que ça revient. Oui oui. Et je vous aime aussi.<br /> Merci
Le Troisième Wagon
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