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Le Troisième Wagon
Le Troisième Wagon
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14 octobre 2007

Je te laisse mettre un titre de ton choix.

minorTu as déjà passé 2 jours entiers avec Jacques Brel?

Non?

Je vais donc te fournir dès aujourd'hui une de mes recettes infaillibles pour foirer en douceur ton week-end. Ne me remercie pas, c'est à charge de revanche.

Tout d'abord, il faut que tu sois invitée dans un endroit que tu ne connais pas. Tu te souviens des grosses pochette-surprises de ton enfance, des fois elles étaient presque aussi grandes que toi? Tu déchirais le papier rouge et jaune avec les dents, jamais tu n'avais eu autant de doigts pour tout bousiller, tu enfouissais ta tête dans un quintal de papier journal tout baveux, et tu trouvais, tout au fond, une crécelle à lépreux, ou un minuscule camion en plastique. Si tu avais de la chance, le camion était accompagné de sa remorque (mais on a rarement vu la crécelle à lépreux accompagnée de sa lèpre. Tout de même, nous parlons de l'enfance. Modérez vos ardeurs), mais, 9 fois sur 10, tu découvrais que tu l'avais pulvérisée, parce qu'elle était cachée dans un des morceaux de papier que tu avais piétiné dans ton impatience. Qu'importe, ça n'était pas tant l'objet de la surprise qui t'importait. C'est le délicieux sentiment qui l'accompagnait.

Tu peux retrouver ce angelussentiment précieux, cette espèce de frétillement gourmand et curieux, lorsque tu es invitée dans un endroit inconnu. Tu ne sais pas où tu mets les pieds et, mieux encore, tu ne connais pas tes hôtes. Ce sont des amis d'amis qui viennent de faire l'acquisition de cette merveilleuse vieille bâtisse Savoyarde pleine de trous à 1000 kilomètres d'altitude, là où tu peux encore croiser des loups, des ours, et des araignées millénaires. Et plein de consanguins.

Chic, une surprise.

Il est essentiel que tu gardes une chose à l'esprit: loin, en bas, dans la vallée, tes amis s'apprêtent à faire une fête à tout casser, avec des perruques de crétins sur la tête, et des cornes de brume qu'ils vont faire retentir dans la nuit, en cas de victoire (en cas de défaite, ils seront trop saoûls pour actionner le mécanisme). Mais tu as choisi la surprise, en partie parce que tu voulais échapper au retour des alpages, qui transforme chaque année, ce samedi précis, ta rue en champs de bousins (je me demande s'il ne serait pas judicieux de détourner le chemin des vaches à l'avenir, un peu plus à l'est; sur Rome, par exemple).

Bref, tu as le coeur lourd de regrets, mais tu sais que tu ne maîtrises pas encore le don d'ubiquité, ni le transport moléculaire, tu fais voeu de t'y mettre plus sérieusement à l'avenir, et tu te remplis de cette petite surprise qui crépite, là-haut, sur la montagne, l'était un blanc chalet. Old_Wolf_Lame_White_Man_Cheyenne_1868Avec des murs blancs, un toit de bardeaux, devant la porte, un vieux bouleau, etc, etc. Et tu te dis que, de toutes manières, tu vas regarder le match quand même, malgré que tu aies sur la tête un bonnet en laine polaire plutôt qu'une perruque de crétin.

Assure toi que les amis de tes amis n'aient pas la télévision.

Par contre, ils ont un équipement hi-fi qui fait tomber les falaises lorsque tu le mets en marche. Qui déracine les arbres, aussi. Et les amis de tes amis sont des inconditionnels de chanson française, Aznavour en général et Jacques Brel en particulier.

ça tombe bien, c'est précisément ce que tu détestes le plus dans la chanson Française.

Je sais qu'il n'est jamais très bon de toucher aux icônes (essaie simplement d'en regarder une de travers sur le mont Athos, tu vas voir la mandale à te décoller le bulbe que va te retourner frère Vassilis), mais rien ne me déprime plus que Jacques Brel. Je n'y peux rien, c'est comme ça depuis que je suis toute petite. Tu me fais écouter du Jacques Brel, je deviens toute verte et je me mets à pleurer, comme ça, sans raison (enfin si, il y a une raison, j'écoute du Jacques Brel). Et je perds ma foi en l'être humain. Il m'arrive même d'être saisie du haut mal et là, je ne te conseille pas d'essayer de me maîtriser, à moins que tu ne souhaites te faire expédier aux antipodes en passant par les anneaux de Saturne. Quant à Aznavour, c'est bien simple, je refuse tout simplement son existence, c'est encore un truc auquel David Copperfield essaie de nous faire croire (il est fort, quand même, ce David Copperfield).

C'est à ce moment que ton week-end va prendre cet aspect foireux intéressant dont nous avons parlé plus haut.

Il faut que tu gardes à l'esprit que tu es éduquée, respectueuse, reconnaissante, aussi, d'être invitée dans un endroit aussi bucolique, au coeur d'une sylve Old_20couple_20256inhospitalière où, en cherchant bien, tu dois pouvoir trouver des fossiles enfouis sous les mousses carnivores. Si les mort-vivants et les consanguins te laissent sortir. Tu aimes les gens passionnés aussi. Souviens toi (sauf lorsqu'ils te raient les dents avec leur passion. Là, tu pourrais tuer. Mais souviens toi aussi que tes parents ont passé une bonne partie de leur temps à t'éduquer correctement. En tout cas, ils ont essayé. Faillir fait parfois partie de l'expérience). Et tu ne peux décemment pas en vouloir à quelqu'un s'il aime Jacques Brel et Charles Aznavour; par contre, tu as le droit de trouver un peu limite le fait qu'on te l'impose à l'apéro, pendant le repas, à l'heure de la gnôle et à l'heure de la re-gnôle (n'oublie pas que tes amis sont dans un cul de basse fosse en train de faire la fête avec leurs perruques de crétins, qu'est-ce qu'ils rigolent; d'ailleurs, ils n'ont même pas remarqué ton absence, tellement ils rigolent). Au petit matin (tu ne sais pas que c'est le matin, tu as juste un léger doute. Parce que les arbres sont tellement touffus que tu ne distingues jamais la nuit du jour. Mais ton horloge biologique te maintient en alerte, au cas où le soleil serait tombé dans un gouffre).

Et là, qu'est-ce que tu entends jaillir du parquet?

Je te le donne en mille: Jacques Brel.

Et il n'a pas l'intention de te foutre la paix.

Tu maîtrises à grand peine un tremblement à 12 sur l'échelle de richter, ce n'est qu'un réflexe purement physique, il ne faut pas t'inquiéter. Tu pleures, aussi. Mais c'est normal. Il se peut que tu aies envie de faire le poirier, de donner à manger à ne_nous_f_chons_pasdes lions, ou de t'enfoncer des brins de paille sous les ongles. Tu peux aussi, mais plus rarement, décider d'aller mourir dans un parking de super-U.

Prends simplement ton mal en patience, Jacques Brel n'a écrit et chanté que 7217 chansons de 22 minutes chacune, et les amis de tes amis sont intarissables sur les nombreuses anecdotes liées à sa vie. A celle de Charles Aznavour, aussi. Mais tu n'auras malheureusement pas le temps de les entendre, car tu dois redescendre à la ville, là-bas, loin, dans la vallée. Et si tu veux y être avant la nuit, il faut que tu partes maintenant. Et tu regardes d'un air bien louche et hostile l'ami qui t'as amenée chez ses amis. Tu vas tenter de retrouver les déchets humains qui t'ont oubliée et que tu appelais amis, autrefois. Ceux qui ont dansé la lambada toute la nuit avec des perruques de crétins, pendant que tu écoutais le répertoir intégral de Jacques Brel.

Ils ont dû bien s'emmerder.

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Commentaires
P
les hasards d'internet m'ont fait atterir ici.. merci de ce moment agréable alors que je cherchais des infos sur les barjots qui fantasmaient sur le fait de mettre des brins de paille sous les ongles.. <br /> je vous laisse, j'ai un cours de pédalos.! Merci encore.
M
Bravo Président. C'était EXACTEMENT ça.<br /> je vos laisse, j'ai piscine (p'tin chuis à la bourre de dieu de merdouille)
J
Oui, "le délicieux sentiment qui l'accompagnait"... C'était le but du jeu, les gamins du marketing actuel n'ont rien inventé.<br /> Ils auraient beaucoup à apprendre en regardant les yeux des gamins (les vieux de maintenant) qui ouvraient les "surprises".<br /> Et pis, après s'être rué sur le petit machin en plastique timidement mussé au fond du cornet en papier brillant, on se ruait derechef sur les papiers froissés qu'on avait bêtement jetés, juste pour voir s'il n'y avait pas un p'tit truc caché et oublié. Et - Ô surprise (justement) - il y avait toujours un petit bonbon de consolation, tout petit, tout timide, de teinte pastel et sûrement plein de colorant rose ou vert, mais on savait pas à l'époque, alors ça pouvait pas nous faire de mal.
S
Ah, ça me rassure, je culpabilisais en pensant que j'étais le seul à avoir passé un excellent week-end loin de chez moi...
M
oh p'tin, tidoigts, t'as raison!!!!!!! j'avais pas pensé à Dick Annegarn!!!! je m'estime donc parfaitement heureuse à présent. Merci (mon dieu, Dick Annegarn, j'en frémi)
Le Troisième Wagon
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