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Le Troisième Wagon
Le Troisième Wagon
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13 février 2008

Il a fait un peu frais aujourd'hui. Beau, mais frais. Mais beau.

PS (oui, j'aime bien mettre des PS au début, c'est déroutant): je ne parlerai pas de la saint Valentin, j'ai déjà dit tout le bien que je pensais de cette fête ici

Aujourd'hui, je vais te parler du merveilleux métier de buraliste. Oui, je t'en ai déjà parlé une fois, je te félicite pour ton excellente mémoire, tu dois manger beaucoup de poisson. Mais c'était sur un autre blog, si tu te souviens bien, et j'ai un nouveau visiteur d'antigua et Barbuda qui aimerait peut-être savoir ce qui se dit  en France de ce merveilleux métier.

Tiens, regarde un peu comme il est chouette le drapeau d'Antigua et Bermuda Barbuda.

23:32:52 N/A N/A N/A Antigua-et-barbuda 69.50.70.248

Provenance inconnue

Provenance inconnue mes fesses, tu viens d'Antigua et barbapapa Barbuda.

Mais avant que de vous (finalement, le vouvoiement s'impose parfois) entretenir de cette délicieuse profession qu'est le buralisme, burationisme, boureliaturiste ce délicieux métier old_couple_floridade buraliste, laissez moi vous narrer la singulière déconvenue dont je fus la victime la nuit dernière, tard, à l'heure où la pègre estourbit d'innocentes victimes,  à l'heure où vous dormez (à moins que vous ne fassiez partie de la pègre, ce qui soit-dit en passant ne m'étonnerait pas plus que ça), à l'heure où l'écrivain maudit, fiévreux, peine à trouver ces quelques mots qui seront à jamais gravés dans l'airin de l'Histoire. Il faut vous dire que pénétrer dans mon immeuble revient à violer les 772 serrures à points de fort Knox. Si vous y parvenez sans connaître les 22 codes, que vous évitez les sacs de ciment qui vous dégringolent sur la nuque dès que vous faites un pas de travers, que vous réussissez à tromper le judas et la reconnaissance digitale qui vous passent l'iris au laser et le pouce à la ponceuse, et si vous arrivez à l'étage souhaité en possession de tous vos membres, je suis étonnée qu'on n'ait pas fait appel à vous pour le rôle de Benjamin Gates. Enfin bref, j'avais totalement oublié un des codes, le plus vital, celui qui permet de sortir du premier sas de compression. Je me suis donc retrouvée devant l'interphone, le cerveau totalement plat, à 2 heure du matin.

Un code, on le fait sans y penser vraiment. Ce n'est pas le cerveau qui agit, mais le doigt. Il sait exactement où se diriger sur le morlockclavier, vous pouvez parfaitement vous brosser les cheveux, ou peler une orange avec les dents, pendant que votre main droite accomplit machinalement son petit périple. Mais je venais de passer 4 jours à faire un autre code, là-bas loin dans la capitale, un laps de temps largement suffisant pour désorienter mon index devant cette nouvelle et palpitante énigme. Grosso modo, j'ai la mémoire d'un oeuf, et le doigt qui va avec. Me voilà donc, à 2 heures du matin, en état de stupeur mentale dans le hall de mon immeuble.

J'ai négligemment appuyé sur mon interphone, au cas où une entité bienveillante se soit dissimulée dans mon appartement pendant mon absence (pour échapper à la terrible vengeance de Gnôôôr l'Innommable, qui la poursuit depuis la nuit des temps à travers les 13 dimensions). Aucune réponse, bien entendu ( il s'agit donc d'une entité malveillante, c'est toujours bon à savoir).

A partir de cet instant, mon index a perdu toute retenue, et s'est mis à tapoter frénétiquement sur le clavier dans tous les sens. Pendant ce temps, j'essayais de vider mon cerveau, afin de favoriser un réflexe reptilien. Las, un récipient à sec ne se vide pas (non, va demander à tous ceux qui se sont retrouvés en plein désert avec une gourde en peau de bouc à sec, tu parles avec l'au-delà, bravo, tu es un médium et tu ne le savais pas, tu vas pouvoir gagner ta vie maintenant). Je crois que tout y est passé: mon numéro de grand__cartcarte bancaire, de sécurité sociale, un poème chiffré de Gérard de Nerval, la formule (de mémoire) de l'eau de javel, pour finir dans une sorte d'apothéose gestuelle à la Léonard Bernstein, lorsqu'il dirigeait la symphonie pastorale. Mais toujours pas de déclic. Il était 2.30, ma valise commençait à grogner, elle me faisait peur. Il faut aussi préciser qu'après avoir méthodiquement joué au boulier Chinois pendant quelques heures (mais avec des verres de vin, car votre meilleur ami vous attendait à la descente du train, et vous êtes allée vider quelques fines grappes en sa compagnie), il est tout-à-fait raisonnable d'envisager qu'une valise puisse grogner.

J'ai donc choisi, fatalement, la solution extrème: appeler quelqu'un afin qu'il daigne m'ouvrir.

Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de la situation. Il est 2.30 du matin, vous avez la bouche un peu pâteuse, et votre voix ressemble à un vieil élastique détendu de la voyelle. Dans une minute, vous allez faire retentir une corne de brume dans un appartement inconnu, et vous allez dire: "boooouuuussssoir, j'a oublé mon queude bour rentrer dans mon chezmoi que ce serait trèèèèèèèès sympa si tu pouvais m'ouvreur le porte vous voule bien?", ou quelque chose d'approchant. Si vous ne prenez pas dans la seconde un coup de tromblon en pleine poire, vous êtes chanceux. Donc, vous appuyez au hasard, mais très vite, en espérant que la personne concernée n'entendra rien. Vous préféreriez largement qu'elle fasse une rupture d'anévrisme.

Ce qui est très paradoxale.cors_des_alpes

Cela dit, cet immeuble est exclusivement peuplé de nonagénaires sourds comme des marmites, le réglage du volume des sonnettes atteint donc un niveau acoustique formidable. C'est bien simple, le plan ORSEC se déclenche à chaque manipulation. Un peu comme lors d'un concert de cors des Alpes. Aucune chance, donc, qu'on ne vous entende pas. Il se pourrait même que certains habitants meurent en plein sommeil, terrassés par une crise cardiaque. A la cinquième pression sur 5 interphones différents restés sans réponse, j'ai eu comme une illumination. Mon index a tapé à toute vitesse sur le clavier, dans une sorte de transe mystique, un pentagramme magique. Un souffle divin. Clic, la porte s'est ouverte. J'ignore d'où a surgi cet éclair de connaissance, mais il était drôlement bienvenu, pile poil au moment où une voix étouffée et chancelante, marquée par la stupeur, s'échappait du dernier interphone. De la vie, enfin. Mais il est trop tard, mon pote, je ne te laisserai pas avoir la moindre prise sur moi, je suis le maître du monde, je connais le code.

J'ai ignoré le fâcheux, me suis engouffrée sur la pointe des pieds dans le second hall, et j'ai bâillonné l'ascenseur. Dans ce cas très précis, vous avez tout intérêt à faire museau, il en va de votre réputation (je vous rappelle que vous êtes saoul comme un Polonais, et qu'il est 2.30 du matin. Et que vous êtes extrèmement lâche). Je crois que ma valise roulante a fait un peu de grabuge dans les couloirs, et que j'ai laissé tomber mon trousseau de clefs plusieurs fois sur le carrelage, mais va prouver que c'était moi, hein?

Sans rigoler, vous auriez fait quoi, vous? Vous auriez trompetté partout que c'était vous, la détraquée qui appuie sur tous les interphones à 2.30 du matin, comme une sale gosse, avant d'aller se mettre au chaud sous sa couette?

Alors vous pensez bien qu'après une telle aventure, la profession de buraliste, je m'en tapes un peu la fesse sur un tambourin.

Et je m'en tape aussi d'Antigua et diaporama Barbuda.

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Commentaires
S
Tout ça me fait penser que nous n'avons pas de machin à code à l'entrée de notre immeuble. Il va falloir en demander l'installation lors de la prochaine réunion de copropriétaires (c'est moche comme mot, ça commence comme coprophage), afin d'augmenter l'animation dans cette batisse trop calme.<br /> <br /> Dis donc, en passant, c'est pas pour faire mon intéressant, mais l'airain de l'Histoire, y'a comme une faute. Ou alors il fallait lire les reins de l'histoire, mais ça risque de virer au calcul.
L
Très drôle, bon sang, tu ne manques pas d'humour, toi !<br /> Je reviendrai souvent ici pour... Rire, sourire...<br /> merci !
F
tu m'as percé à jour melle Bille (quelle perspicacité !). Je suis aussi tordu qu'un saule tortueux. Une fois, j'ai même gagné un concours avec un tire-bouchons ;-)
M
dis donc, Fred, faut pas être un peu tordue pour planquer ses clefs le jour de son mariage? Enfin moi je dis ça, hein, mais c'est quand même bizarre je trouve.
F
Un grand moment de solitude raconté avec brio. Qui n'a jamais oublié un code dans un moment critique ? euh... pas moi. J'ai pas de digicode pour rentrer à la maison, juste une clé, mais le jour de notre mariage, je les avais tellement bien planqué de peur de me les faire piquer par une entité malveillante (y'en a partout !), que je ne les ai pas retrouvées au moment propice, pour profiter de la courte fin de notre nuit de noce tant méritée ;-) mais bon, ça fait des souvenirs...
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